Section4:Anneau des polynômes à une indéterminée et extensions

0.2 L’anneau des polynômes à une indéterminée

On va donner la définition générale d’un polynôme à coefficients dans un anneau 𝔸 commutatif et unitaire.
Ensuite, on se restreint au cas important où 𝔸=𝕂 est un corps.
Considérons l’ensemble,
𝔸F𝔸 des suites d’éléments de 𝔸 dont les termes sont nuls à partir d’un certain rang. On munit cet ensemble des deux lois suivantes :

(ak)k+(bk)k=(ak+bk)k

et

(ak)k(bk)k=(ck)kaveccn=i+j=naibj,n.

On identifie 𝔸 à l’ensemble {(a0,0,),a0𝔸} des suites particulières, soit

𝔸{(a0,0,),a0𝔸}

On note

Xk=(0,,ak,0,),k

L’ensemble 𝔸F muni des deux opérations + et est appelé ensemble des polynômes à coefficients sur 𝔸. On le note 𝔸[X]. L’addition et la multiplication de deux polynômes A et B sont donc données par:

C=A+B=n=0(ak+bk)Xk
C=AB=n=0Xnk=0k=akbnk=i=0j=0aibjXi+j

On introduit la multiplication par un élément λ𝕂

λP=λ(a0,a1,,a)=n=0(λak)Xk.

On peut vérifier que le produit λP est aussi le produit de P par le polynôme constant P=(λ,0,,) identifié au scalaire λ.
On remplace souvent les notations + et par celles de l’addition et de la multiplication sur 𝕂.
La famille des suites Xk pour k constitue la base canonique de l’ensemble 𝔸F identifié à 𝔸[X].
On obtient alors l’écriture unique suivante pour tout polynôme P de 𝔸[X].

P=(a0,a1,,a)=n=0akXk.

L’ensemble 𝔸[X] possède la structure d’un 𝔸-module pour l’addition et la multiplication par un scalaire. Si 𝔸=𝕂 est un corps, alors 𝕂[X] est un 𝕂espace vectoriel.
Autres définitions
(1)–Les lois ainsi définies sont des lois internes et associatives.
(2)–La multiplication est distributive par rapport à l’addition.
(3)–La multiplication admet comme élément neutre le polynôme (1,0) qui sera identifié à 1.
(4)–L’addition admet comme élément neutre le polynôme (0,0) appelé polynôme nul.
(5)–Le plus petit indice k tel que ak0 est appelé
valuation de P et on le note val(P). Par convention, val(0)=+.
On a deg(Xk)=val(Xk)=k.
(6)–Si P0, le plus grand indice k tel que ak0 est appelé degré de P et on le note deg(P).
(7)–Si P=0, par convention le degré de P est . Pour P𝔸[X]𝔸 est un anneau intègre ou un corps 𝕂, on a l’équivalence suivante :

P=0deg(P)=.

(8)–Le coefficient
adeg(P) est appelé coefficient dominant de P.
(9)–Le support de P est l’ensemble des n tels que an0. Le support d’un polynôme est donc fini.
(10)–Un polynôme est dit unitaire si son coefficient dominant est 1.
(11)–Deux polynômes P et Q non nuls sont dits associés s’il existe λ inversible tel que P=λQ.

Proposition 0.2.1

Diviseurs de 0 et éléments inversibles dans 𝔸[X]
Soit 𝔸[X] l’anneau des polynômes à coefficients dans un anneau commutatif et unitaire 𝔸. On a les propriétés suivantes.
(1)–L’anneau 𝔸[X] est intègre si, et seulement si, l’anneau 𝔸 est intègre (/6[X] n’est pas intègre puisque (2~X)(3~X2)=6~X3=0~X3=0).
(2)–Les éléments inversibles de 𝔸[X] sont les éléments identifiés à ceux de 𝔸 qui sont inversibles (Si 𝔸 est un corps ce sont les éléments de 𝔸{0}).
(3)–Si 𝔸 est intègre, on a :

deg(PQ)=deg(P)+deg(Q)etval(PQ)=val(P)+val(Q)

et ce résultat est valable même si l’un des polynômes est nul donc de degré .
(4)–Si 𝔸 n’est pas intègre, on a :

deg(PQ)deg(P)+deg(Q)etval(PQ)val(P)+val(Q).

Pour démontrer le point (3), le résultat étant évident si l’un des polynôme est nul, on suppose donc les deux polynômes non nuls
et on vérifie que si les termes dominants de P et Q sont aXp et bXq alors le terme dominant de PQ est donné par
abXp+q. On utilise la relation qui définit le coefficient cn du polynôme produit. On vérifie alors que cn=0 pour
n>p+q et que cp+q=0+apbq+0=apbq. Si l’anneau 𝔸 est intègre, on a apbq0.
Autres définitions et propriétés dans 𝔸[X]

  1. 1.

    deg(P+Q)sup[deg(P),deg(Q)] avec égalité notamment si deg(P)deg(Q).

  2. 2.

    val(P+Q)sup[val(P),val(Q)] avec égalité notamment si val(P)val(Q).

  3. 3.

    La composition de deux polynômes est définie par

    PoQ=P[Q(X)]=k=0k=nakQ(X)k

    et elle admet le polynôme X comme élément neutre.

  4. 4.

    (P+Q)R=PR+QR mais en général P(Q+R)PQ+PR.

  5. 5.

    deg(PQ)=deg(P)deg(Q).

  6. 6.

    La multiplication se traduit par XnXm=Xn+m et elle admet X0=Δ1 comme élément neutre.

Le cas pratique important correspond à la situation où 𝔸=𝕂 est un corps (,,). L’ensemble 𝕂[X] est alors un anneau commutatif, unitaire et intègre. Mais, on est amené parfois à considérer des polynômes dont les coefficients n’appartiennent pas à un corps mais à anneau commutatif tel que l’ensemble des entiers relatifs et même à un anneau non commutatif tel que l’ensemble des matrices carrées d’ordre N.
Dérivation, intégration, formules de Leibnitz et de Taylor sur 𝔸[X]
Comme sur l’ensembles des fonctions, on introduit sur l’anneau des polynômes les opérations classique qui sont la composition et la dérivation :

P(X)=k=0k=nakXk,P=k=0k=nkakXk1,P(n+1)=0.
P(X)=k=0k=nakXk,P=k=0k=nakXk+1(k+1)!+Cte.
PQ=P[Q(X)]=k=0k=nakQ(X)k,(PQ)=P[Q]Q.

Comme pour les fonctions, la dérivation des polynôme est une opération linéaire et la dérivée
d’ordre n d’un produit est donnée par la formule de Leibnitz suivante :

(PQ)(n)=k=0n𝒞knP(k)Q(nk).

Lorsque 𝕂 est un corps, l’anneau 𝕂[X] est un anneau intègre et donc tout polynôme Q non nul est un élément régulier de 𝕂[X]. On peut donc simplifier par un tel élément, soit
QP=QR avec Q0 implique toujours P=R.
La formule de Taylor pour un polynôme P𝕂[X] au point λ𝕂 est donnée par

P(X)=k=0akXk=k=0P(k)(λ)k!(Xλ)kλ𝕂Taylor}.

Démontrons la formule pour λ=0 en évaluant les dérivées d’ordre k>0 en 0. On a

Pk(0)=akk!,ak=Pk(0)k!.

D’où la formule pour λ=0. On applique ensuite cette formule à Q=P(X+λ). On obtient

P(X+λ)=Q(X)=k=0Q(k)(0)k!Xk=k=0P(k)(λ)k!Xk

Remplaçant X par Xλ, on obtient le développement de Taylor pour λ quelconque.
Évaluation de P𝔸[X] sur 𝔸 ou sur un autre anneau 𝔸
Étant donnée une 𝔸-algèbre associative, commutative et unitaire.
On peut identifier le polynôme

P=k=0k=nakXk

à l’application de 𝔸 dans 𝔸, définie par

P~:x𝔸P~(x)=k=0k=nakxk

dénommée application polynômiale associée à P. S’il n’y a pas d’ambiguïté, on remplace la notation P~ par P.
Attention Il est important de noter que
le polynôme P est
défini par la donnée d’une suite de nombres d’un corps 𝕂 (ou d’un anneau commutatif 𝔸) et peut être évalué sur des ensembles assez larges. L’évaluation de P au point x𝔼 consiste à remplacer X par x à condition que les opérations xk,
axk et axk+bxh soient clairement définies sur 𝔼. L’évaluation ne pose aucun problème si 𝔼=𝔸 mais si 𝔼 est, par exemple, l’espace des matrices, on est obligé de se restreindre au sous-espaces des matrices carrées et de même dimension.
Par exemple, si x est une matrice carrée et ak un scalaire, l’opération akxk est bien définie et conduit à une matrice. On peut évaluer un polynôme à coefficients dans 𝔸 sur l’ensemble des matrices n(𝔸) à éléments dans 𝔸 etc…
L’évaluation conduit à l’application polynômiale P~ qui prend donc ses valeurs sur 𝔼. Par exemple si x=f est un endomorphisme, alors P~(f) est aussi un endomorphisme et non plus un polynôme.
Si on évalue P=X2Xa sur l’ensemble des endomorhismes, on doit écrire,P(f)=f2faIdId
désigne l’endomorphisme identité et l’écriture aId rappelle que l’on additionne des endomorphismes.
L’écriture 231/3 peut être vue comme l’évaluation sur de 2X1/3 en tant que
polynôme de [X]. L’écriture P=X+2 ne peut pas représenter une évaluation car
elle contient X, elle désigne un polynôme de [X] ou de [X].
Les lois qui définissent l’anneau sont des lois internes. Donc le composé de deux polynômes de
𝔸[X] doit être un polynôme à coefficients dans 𝔸. Par exemple, l’anneau [X] ne peut pas contenir un polynôme du type X+2 qui est par contre élément de [X]. L’anneau [X] ne contient pas le polynôme X+1+i qui est un élément de [X], etc…Certaines propriétés de 𝔸[X] sont liées à sa structure d’anneau (règles de calcul, division euclidienne, etc …) et 𝔸[X] possède d’autres propriétés liées à 𝔸 (factorisation, existence de racines, …). On appelle racine où zéro d’un polynôme sur 𝔼, un élément
x𝔼 pour lequel P~(x)=0. On reviendra sur cette notion importante plus loin.
L’écriture PQ=0 signifie que PQ est le polynôme nul et n’introduit aucune évaluation du
polynôme. L’écriture P(u)=0 pour u𝔼 signifie que sur l’ensemble
𝔼, la grandeur P(u), qui est bien définie, est égale au « zéro » de 𝔼. Par exemple,
si u est un endomprphisme et P=X2X,
P(u)=0 signifie que l’endomorphisme u vérifie u2u=0 et c’est donc un projecteur. Cette identité qui s’écrit
aussi u(uI)=(uI)u=0 signifie que l’image de u est incluse dans le noyau de uI et
que l’image de uI est incluse dans le noyau de u.
Par exemple, le réel 323 peut s’interpréter comme
la valeur, pour X=3, du polynôme X23 de [X].
On appelle polynôme annulateur d’un nombre α, d’un endomorphisme α(𝔼), d’une matrice αMn(𝔼) etc…, un polynôme P tel que P~(α)=0. A titre d’exemple,
Si P est un polynôme à coefficients dans 𝕂 et f(𝔼), P(f) est un endomorphisme. Si 𝔼 est de dimension finie, il existe toujours un polynôme P tel que P(f)=0. Cela signifie que pour tout x𝔼, on a
P(f)(x)=0. Cela ne veut pas dire que P s’annule pour une infinité de valeurs et donc P=0. C’est l’endomorphisme P(f) qui est nul en tout point de 𝔼 et qui est donc nul.

Proposition 0.2.2

Propriétés de divisibilité dans 𝕂[X]
Soient A, B, C et Q quatre polynômes de 𝕂[X] qui vérifient :

A=BQ+C. (1)

Alors tout diviseur commun à A et B est un diviseur commun à B et C et réciproquement. On a donc

AB=BC

Identité de Bezout

AB=1equivaut àU,V𝕂[X]tels queAU+BV=1.
AB=1etAC=1impliqueABC=1.

Soit D un polynôme unitaire non nul de 𝕂[X], alors on a :

AB=DU,V𝕂[X]/A=DUB=DVUV=1.

La loi qui associe au couple (A,B) son pgcd est associative :

A(BC)=(AB)C=pgcd(A,B,C).

L’associativité permet de ramener les calculs au cas de deux polynômes.

R=pgcd(A,B,C) ssi RDA,B,C={diviseurs communs àA,B,C}
et U,V,W𝕂[X]/AU+BV+CW=R.

Les polynômes A,B,C sont premiers entre eux dans leur ensemble si pgcd(A,B,C)=1 et il sont premiers deux à deux si

pgcd(A,B)=pgcd(B,C)=pgcd(A,C)=1.

La seconde propriété implique la première mais la réciproque est fausse.
Soient A,B,C trois polynômes non tous nuls. Alors on a

pgcd(A,B,C)=1ssiU,V,W𝕂[X]/AU+BV+CW=1.

Soient A,B,C trois polynômes non tous nuls et R un polynôme unitaire. Alors on a

pgcd(A,B,C)=R ssiU,V,W𝕂[X]tels que
A=RU,B=RV,C=RW et pgcd(A,B,C)=1.

On dit que le polynôme B divise le polynôme A ou que A est un multiple de B s’il existe un polynôme Q tel que A=QB.
Cette relation, appelée relation de divisibilité, se note A|B et elle est réflexive et transitive.
C’est une relation d’ordre sur l’ensemble des polynômes unitaires ou nuls, mais elle n’est pas antisymétrique sur 𝕂[X]. En effet, si
A|B et B|A, il existe λ𝕂 tel que A=λB.

Proposition 0.2.3

Généralisation
Si P1,,Pn sont des polynômes de 𝕂[X], on a les propriétés suivantes.
(1)–Les polynômes sont premiers entre eux dans leur ensemble (pas de diviseurs commun aux n polynômes non inversible), ssi :

U1,Un𝕂[X] tels que P1U1++PnUn=1.

(2)–Soit D un pgcd de P1,,Pn.
Il existe

A1,,An𝕂[X] tels que A1P1++AnPn=D.

A titre d’exemple, deux polynômes
Xλ et Xα sont premiers entre eux si et seulement si λα. Dans ce cas particulier, l’identité de Bezout s’énonce comme suit.

α,β𝕂,U,V𝕂[X] tels que (Xα)U(X)+(Xβ)V(X)=1.

IL y a un grand lien entre la divisibilité dans et dans [X]. A titre d’exemple, l’identité

an1=(a1)k=0n1ak

permet de donner une condition suffisante pour qu’un nombre n soit premier. En effet, elle montre que
si an1 est premier, alors le facteur a1 est forcément égal à 1 et donc on a a=2. De plus si
n=pq, alors

(ap)q1=(ap1)k=0n1apk

et donc an1 n’est pas premier.

Proposition 0.2.4

Division euclidienne dans 𝔸[X], 𝔸 anneau commutatif unitaire
(1)–Soit 𝔸 un anneau commutatif, unitaire et B𝔸[X], de
coefficient dominant b inversible (donc B0). Pour tout A𝔸[X], il existe Q,R𝔸[X]
vérifiant la relation suivante (division euclidienne).

A=BQ+R,deg(R)<deg(B) (2)

(2)–Si 𝕂 est un corps, alors 𝕂[X] est un anneau intègre, unitaire et euclidien.
(3)–Si 𝕂 est un anneau factoriel, alors 𝕂[X] est aussi un anneau factoriel.
(4)–Si 𝕂 est un corps, alors 𝕂[X] est principal. Réciproquement 𝕂[X] n’est principal que si 𝕂 est un corps.

Cette propriété fait de 𝕂[X] un anneau euclidien.
Sa démonstration repose sur l’existence d’une application de 𝕂[X] sur qui associe à tout polynôme son degré. On utilise le fait que « toute partie non vide de admet un plus petit élément. La propriété deg(AB)=deg(A)+deg(B), valable même si l’un des polynôme est nul, facilite souvent certaines démonstrations. On va donner deux démonstrations pour le point (1) de la proposition dans le cas où 𝕂=𝔸 est un anneau tel que .
Existence du couple (Q,R)
On va donner deux démonstrations différentes valables dans 𝕂[X] et dans 𝔸[X] si 𝔸 est un anneau unitaire commutatif à condition
que le coefficient dominant de B soit inversible.
Preuve utilisant l’existence du plus petit élément si coefficient b inversible (cas d’un corps)
Si B divise A, on a AKB=0 et il suffit de prendre R=0. Si B ne divise pas A, considérons l’ensemble

Δ={deg(AKB),K𝕂[X],AKB0}.

Cet ensemble contient deg(AB), il ne contient pas . C’est donc un sous ensemble de qui n’est pas vide. Il possède donc un plus petit élément ρ. Soit Q tel que le polynôme AQB=R soit de degré ρ. Démontrons que ρ<deg(B)=β. Raisonnons par l’absurde en supposant ρβ. Alors,
si r et b désignent les coefficients dominants de R et B respectivement, on obtient

deg(RrbXρβB)<ρ

soit, en remplaçant R par AQB,

deg[(AQB)rbXρβB]<ρ.

On a ainsi construit un polynôme K1=QrbXρβ tel que
deg(AK1B)<ρ. Ceci contredit la minimalité de ρ et on a donc ρ<β.
Preuve par récurrence sur le degré si coefficient b inversible
Montrons l’existence en raisonnant par récurrence sur n=deg(A). Posons deg(B)=β et désignons par a et b les
coefficients dominants de A et B.
Si n<β, on prend Q=0, R=A, on a bien deg(R)<deg(B) et donc le couple (Q,B) est bien défini. Pour nβ, supposons l’existence de (Q,B) vraie pour deg(A)n1 et démontrons qu’elle est alors vraie pour deg(A)=n. Comme b est inversible, on peut toujours construire le polynôme

Aab1XnβB

dont le degré est strictement inférieur à n. Donc, par hypothèse de récurrence, il existe Q0,R𝔸[X]
tels que

Aab1XnβB=Q0B+R,deg(R)<deg(B)

D’où

A=(Q0+ab1Xnβ)B+R=QB+R,deg(R)<deg(B)

ce qui prouve l’existence du couple (Q=Q,R) pour A de degré n.
Preuve de l’unicité lorsque 𝔸 est intègre
Pour établir l’unicité, supposons l’existence de deux couples (Q1,R1) et (Q2,R2).
Alors on a B(Q1Q2)=R1R2. Supposons Q1Q2. Alors deg(Q1Q2)0 et donc
deg[B(Q1Q2)]=deg(Q1Q2)+deg(B) car l’anneau est intègre. On obtient deg(R1R2)deg(B).
Or

deg(R1R2)sup[deg(R1),deg(R2)]<deg(B).

On arrive à une contradiction et donc Q1=Q2 et par suite
R1=R2.

Proposition 0.2.5

Division suivant les puissances croissantes
Théorème [Division suivant les puissances croissantes] Soit n et C et D deux polynômes
de 𝔸[X]𝔸 est un anneau commutatif et unitaire.
On suppose que le coefficient constant de D est inversible.
Alors il existe deux polynômes Q et R vérifiant

C=DQ+Xn+1R,degQn

Q et R sont appelés respectivement quotient et reste de la division suivant les puissances croissantes de C par D à l’ordre n.

Pour établir ce résultat, on fait une récurrence inverse sur la valuation de C. Si cette valuation est supérieure
ou égale à n+1.
Racine ou zéro d’un polynôme de 𝔸[X]
Considérons l’identité suivante

P(X)=(Xλ)Q(X)+P(λ)

P𝔸[X], 𝔸 désigne un sous-anneau d’un anneau commutatif euclidien 𝔸 et λ un élément de 𝔸. On dit que λ est racine de P dans 𝔸 si le polynôme (Xλ)
est un diviseur de P𝔸[X] ce qui équivaut à dire que P(λ)=0. Si 𝔸=𝕂 est un corps
commutatif (cas le plus fréquent), alors 𝕂[X] est un anneau euclidien, donc un anneau principal, donc un anneau factoriel, P(λ) est le reste de la division euclidienne de P par (Xλ) et les trois conditions suivantes sont équivalentes pour n.

  1. 1.

    (Xλ)m|P mais (Xλ)m+1 ne divise pas a.

  2. 2.

    P=(Xλ)mQ(X) et Q(λ)0.

  3. 3.

    P(i)(λ)=0 pour tout i=1,2,m1 et P(m)(λ)0.

Si λ est racine de P, le sous-ensemble {k,(Xλ)k|P} de
est non vide et majoré par deg(P). Il admet donc un plus grand élément m appelé
multiplicité de la racine λ.
Soit P𝕂[X] est de degré n0 et α1,,αk des racines distinctes de
P de multiplicités respectives m1,,mk sur 𝔸. Alors le polynôme
(Xα1)m1(Xαk)mk
divise P et on a toujours
m1++mkn. Ainsi un polynôme non nul de degré n possède au plus n racines
comptées avec leurs multiplicités. Seul le polynôme nul possède une infinité de racines.

Proposition 0.2.6

Nombre maximal de racines d’un polynôme
(1)–Soit 𝔸 un anneau unitaire, euclidien, commutatif et intègre (Tout anneau fini intègre est un corps) et 𝔸 un sous-anneau de 𝔸. Tout polynôme de degré n (non nul) de 𝔸[X] admet au maximum n racines comptées avec leurs multiplicités dans 𝔸.
(2)–Un polynôme de 𝕂[X], (𝕂=,,) de degré n admet exactement n racines dans 𝔸= comptées avec leurs multiplicités.
(3)–Si 𝔸 n’est pas euclidien, un polynôme non nul de 𝔸[X], de degré inférieur ou égal à n, peut admettre plus de n racines.

Considérons le groupe linéaire GL2(), des matrices de dimensions 2 sur . Cet ensemble est un corps qui contient . Il contient les trois matrices D1=Diag(λ1), D2=Diag(λ2), D3=Diag(λ1,λ2). Les polynômes annulateurs minimaux de ces matrices sont respectivement μ1=Xλ1,
μ2=Xλ2 et μ3=(Xλ1)(Xλ2).
Le polynôme μ3 est de degré 2 et il s’annule en trois points distincts D1,D2,D3 du corps 𝕂=GL2() qui contient le corps 𝕂.
Il faut remarque que ce corps n’est pas commutatif et surtout qu’il n’est pas euclidien.
Attention Une racine y𝔸 vérifie P(y)=0𝔸. Par exemple si 𝔸 est l’anneau des matrices carrées, 0𝔸 est la matrice nulle de 𝔸.
Démonstration par récurrence en utilisant la factorisation premières les facteurs étant (Xλi)αi
les λi désignent les racines distinctes.
Polynôme scindé sur 𝔸 Un polynôme de 𝕂[X] est dit scindé sur 𝔸 s’il n’est
pas constant et possède exactement N racines comptées avec multiplicité sur 𝔸. Il s’écrit
donc de manière unique sous la forme:

P=α(Xα1)m1(Xαn)mn,m1++mn=N=deg(P)

α est le coefficient dominant de P. Cette notion dépend de l’ensemble 𝔸. Par exemple
un polynôme de [X] n’est pas forcément scindé sur mais tout polynôme de [X] est
scindé sur 𝔸=. On dit que est algébriquement clos.
Pour tout α, il existe P[X] de degré 1 tel que P(α)=0.
Il n’existe pas de α, tel que α2+1=0. Le polynôme X2+1 ne peut pas être scindé sur [X] mais
peut être scindé sur [X]. Le polynôme XN1 est non scindé sur mais admet N racines distinctes sur .
Exemples de raisonnements utilisant les racines
(1)–Pour tout polynôme P de 𝕂[X], on a

P(X)XdiviseP(P(X))X

(raisonner dans l’anneau quotient 𝕂[X]/(P(X)X)).
On peut aussi utiliser les racines. Si P(α)α=0, on a aussi
P[P(α)]α=P(α)α=0. Si la multiplicité de la racine α est m pour P(X)X, on vérifie que sa multiplicité pour P(P(X))X est au moins m.
(2)–Si le polynôme P(XN) est divisible par X1 dans [X] alors il est aussi divisible par
XN1. En effet, P(XN)=(X1)Q(X) et donc P(1)=0. Pour tout α1 vérifiant αiN=1,
on a P(αiN)=P(1)=0 et donc (αi1)Q(αi)=0. Le polynôme Q est donc divisible par (Xαi).
Il est donc divisible par le produit des polynômes (Xαi) puisque les αi sont tous distincts. Le polynôme
P(XN) est donc divisible par XN1=(X1)(Xα1)(XαN1).
La majorité des propriétés de la division euclidienne dans l’anneau des entiers relatifs se
généralisent au cas des polynômes.
Corps algébriquement clos On dit qu’un corps 𝕂 est algébriquement clos ssi
l’une des trois propositions suivantes est vérifiée.

  1. 1.

    Tout polynôme de 𝕂[X] est scindé, c’est-à-dire produit de polynômes de degré 1

  2. 2.

    Tout polynôme non constant a une racine dans 𝕂.

Multiplication et division de polynômes sous forme matricielle
Considérons la matrice carrée de décalage de dimension n, définie par :

𝐉n=[00100010001000010]

On peut vérifier facilement que l’opération 𝐉n2 fait décaler la diagonale formée par des 1 d’un cran vers le bas et donc on a 𝐉nn=0.
Le produit de deux matrices

𝐀=[𝐚1𝐚2𝐚n]et𝐁=[𝐛1𝐛2𝐛n]

définies par leurs colonnes 𝐚ip[x] et 𝐛iq[x] respectives
est une matrice du type (p,q) donnée par :

𝐀𝐁=i=1n𝐚i𝐛iT.

Si l’on remplace chaque colonne 𝐚i par 𝐉i1𝐚, on obtient une matrice triangulaire inférieure qui a une structure dite de Toeplitz où chaque diagonale est formée par le même éléments apparaissant dans la première colonne :

𝐀=[a000a1a00a1a0a10a0a1]

Rappelons qu’un polynôme A de degré n peut s’écrire

A=a0xn++an=i=0naixni=i=0aixni, avec ai=0 pour i<0.

Un polynôme de n[x] est donc défini de manière unique par la matrice colonne
𝐚=[a0,a1,]Tak=0 pour k>n.
Désignons par 𝐜 le produit de deux polynômes 𝐚 et 𝐛 et par
𝐝 le quotient de 𝐚 et 𝐛. On peut vérifier que la détermination
de 𝐜 et 𝐝 se fait à l’aide des relations matricielles suivantes :

𝐜=𝐀𝐛,𝐚=𝐃𝐛

𝐀=[𝐉0𝐚𝐉1,𝐚,],𝐃=[𝐉0𝐝,𝐉1𝐝,]

sont des matrices triangulaires inférieures de Toeplitz ayant chacune n colonnes, le nombre de lignes
étant égal à l’infini. Par exemple, si les polynômes 𝐚 et 𝐛 sont de degrés n et m, le produit étant de degré n+m, on aura besoin de prendre une matrice 𝐀 avec n+m+1 lignes.

Exemple 0.2.7

La multiplication des polynômes 2x+1 et x3, dont le
résultat vaut 2x25x3, s’écrit
matriciellement :

[102102][31]=[352].

Polynôme à n indéterminées
Soit A un anneau commutatif unitaire.
On appelle polynôme à n indéterminées à coefficients dans A l’ensemble des applications presques nulles de n dans A.
On note A[X1,,Xn] l’ensemble des polynômes à n indéterminées à coefficients dans A.
On identifie A[X1,,Xn] à A[X1,,Xn1][Xn], ainsi que A[X1,,Xp][Xp+1,,Xn] à
A[X1,,Xn].
L’anneau A[X1,,Xn] est intègre si et seulement si A est intègre.
L’anneau A[X1,,Xn] est muni naturellement d’une structure de A-module.
L’ensemble des monômes unitaires est une base de A[X1,,Xn].
Si 𝕂 est un corps, 𝕂[X1,,Xn] est naturellement muni d’une structure de 𝕂-espace vectoriel.
Relations entre coefficients et racines
Désignons par α1,,αn les N racines distinctes ou non d’un polynôme de degré N de 𝕂[X] et introduisons les
relations : σ0,0=1, σp,N=0 pour p>N et pour 1pN :

σp,N = 0i1>>ip1αi1αi2αip. (3)

A titre d’exemple, pour N=3, on obtient : σ1,3=r1+r2+r3,   σ2,3=r2r1+r3r2+r3r1,   σ3,3=r3r2r1.
On a alors

P(X) = 1NakXk=aN1N(Xαi)
= aN0N(1)pσpNXNpavecσp,N=(1)paNpaN,1pN.

On appelle k-ième polynôme de Newton le polynôme 𝒩k=i=1nαik et on a les propriétés suivantes:

  1. 1.

    Les polynômes symétriques élémentaires et les polynômes de Newton sont symétriques, i.e, ils sont invariants dans toute
    permutation de l’ensemble des indicies {1,2,,N}.
    Si Q est un polynôme, alors P=Q(σ1,n,σ2,n,,σn,n) est un polynôme symétrique.

  2. 2.

    Si PA[X1,,Xn] est symétrique, alors il existe un polynôme Q tel que P=Q(σ1,n,σ2,n,,σn,n) (récurrence sur le nombre d’indéterminées et sur le degré du polynôme.

  3. 3.

    Sommes de Newton et polynômes symétriques élémentaires

    = i=1k1(1)i+1𝒩kiσi,N+(1)k+1kσk,N=0,1kn
    = i=0n(1)i+1𝒩kiσi,N,Nk.
  4. 4.

    Sommes de Newton et coefficients du polynôme

    P=i=0NakXk,alorsi=0Nai𝒩ki=0,Nk.
Proposition 0.2.8

Raisonnement par récurrence sur le nombre de termes d’une somme
Soit p et la suite définie par :

Sk=1pαiλik,λiλj.

Alors si Sk0 lorsque k, on a α1==αp=0.

On démontre le résultat par récurrence sur le nombre de termes p. Pour passer d’une somme de p+1 termes à une somme de p termes, calculons la différence suivante.

Sk+1λp+1Sk = 1p+1αiλik+1λp+11p+1αiλik
= 1p+1αi(λiλp+1)λik
= 1pβiλik,βi=αi(λiλp+1)

0.3 Éléments irréductibles dans des anneaux particuliers

Proposition 0.3.1

Polynômes irréductibles sur un anneau factoriel

Soit 𝔸 un anneau factoriel et 𝔸[X] l’anneau des polynômes à coefficients dans 𝔸.
Un polynôme P de 𝔸[X] est dit irréductible sur 𝔸[X] ssi P n’est pas un élément inversible de 𝔸 et si les seuls
diviseurs de P sont les inversibles de 𝔸 et les polynômes associés.
Les polynômes irréductibles de [X] sont les polynômes de degré 1.
Les polynômes irréductibles de [X] sont les polynômes de degré 1 et
les polynômes de degré 2 sans racines réelles.

Preuve Il est évident que les polynômes considérés sont irréductibles, dans les deux cas réel et complexe.
Réciproquement, le théorème de D’Alembert-Gauss donne le résultat dans le cas complexe.
Supposons P[X] irréductible dans [X]. Sans perte de généralité, on va supposer P unitaire. Si x est racine de P dans , alors x¯ l’est aussi, avec le même ordre de multiplicité. Le polynôme P n’a pas de racine réelle r, sinon Xr diviserait P et P ne serait pas irréductible. Le polynôme P peut donc s’écrire P=Πi=1r(Xri)ni(Xr¯i)ni(Xri)(Xr¯i) est un polynôme réel (on le voit simplement en le développant).
Donc P est un produit de polynômes dont le discriminant est strictement négatif. (Il suffit de développer pour le voir). Il n’est irréductible que s’il contient un et un seul tel terme.
D’où le résultat.

Proposition 0.3.2

Soit 𝔸 un anneau intègre, 𝕂 le corps
des fractions de 𝔸
et P𝔸[X] vérifiant l’une des deux
conditions suivantes.
(1) P est un élément irréductible de 𝔸.
(2) Les coefficients de P n’ont aucun facteur commun, deg(P)1 et P est
irréductible en tant qu’élément de 𝕂[X].
Alors P est un élément irréductible de 𝔸[X].

Preuve Supposons

P=QR avecQR𝔸[X].

(1) Si P est un élément irréductible de 𝔸, alors Q et R sont de degré
0, donc appartiennent à 𝔸 et l’irréductibilité de P entraîne que Q ou R est
inversible. Ceci prouve que P est irréductible dans 𝔸[X].
Supposons (2) vérifiée. L’irréductibilité de P comme élément de 𝔸[X]
entraîne deg(Q)=0. Donc Q appartient à 𝔸, et il est diviseur
commun à tous les coefficients de P. Par conséquent, Q est inversible.
Donc P est un élément irréductible de 𝔸[X].

Proposition 0.3.3

Théorème de transfert de Gauss A REVOIR

(1) Si l’anneau 𝔸 est factoriel, alors 𝔸[X] l’est aussi.
(2) Si 𝔸 est factoriel, 𝔸[X1,,Xn] l’est aussi.
(3) L’application

𝔸[X]/I𝔸[X](𝔸/I)[X].

est un isomorphisme de 𝔸-algèbres et donc si I est un idéal premier de 𝔸, alors I𝔸[X] est un idéal
premier de 𝔸[X].

Preuve
Le point (2) découle du point (1) par récurrence sur n,
vu l’isomorphisme

𝔸[X1,,Xn]𝔸[X1,,Xn1][Xn].

Soit I un idéal de 𝔸 et I𝔸[X] l’idéal de 𝔸[X] engendré par I. Alors
I𝔸[X] est formé des polynômes dont tous les coefficients appartiennent à I.
Point (3) Soit π la projection 𝔸𝔸/I. Ceci fait de 𝔸/I une
𝔸-algèbre. D’après la propriété universelle de A[X], il existe un unique morphisme
de 𝔸-algèbres

φ:𝔸[X](𝔸/I)[X]

tel que φ(X)=X. Explicitement,
pour tout P=a0++adxd, on a

φ(P)=π(a0)++π(ad)Xd.

Il est clair que ce morphisme est surjectif, et son noyau est l’idéal des polynômes
dont tous les coefficients sont dans I, soit I𝔸[X]. Ceci prouve la
1ère assertion. La 2ème en résulte, d’après le lemme 5.2.1.
Irréductibilité d’un polynôme, corps de rupture, corps de décomposition

  1. 1.

    Soit 𝕂 un corps et P𝕂[X] irréductible. On appelle corps de rupture de P sur
    𝕂 tout extension de corps 𝕃 de 𝕂 monogène, i.e 𝕃=𝕂(α) avec P(α)=0.
    Le polynôme X2+1 est irréductible sur et son corps de rupture est
    [X]/(X2+1)=[i]=.

  2. 2.

    Soit P un polynôme (non nécessairement irréductible). On appelle corps de décomposition
    de P sur 𝕂 toute extension 𝕃 de 𝕂 dans laquelle P est scindé (i.e 𝕃 contient toutes les
    racines de P) et qui soit minimale pour cette propriété.

  3. 3.

    Le monome X est irréductible sur [X].

  4. 4.

    Le monome 2X n’est pas irréductible dans [X] (car 2 est un diviseur non inversible non associé),
    mais il l’est dans [X] (car 2 devient alors un élément inversible). Si 𝔸 est un corps, tout polynôme de degré 1 est irréductible 𝔸[X].

  5. 5.

    Soit 𝔹 une extension d’anneau de 𝔸. Alors si un polynôme P est irréductible sur 𝔹[X], il est irréductible sur 𝔸[X]. La réciproque est fausse.

  6. 6.

    Le polynôme X22 de [X] est irréductible dans , irréductible dans
    l’extention des fractions de mais réductible dans . Le polynôme X2+1 est irréductible dans
    [X] mais réductible dans [X].

  7. 7.

    Si un polynôme est irréductible dans 𝔸[X], il existe toujours une extension
    𝔹 de 𝔸 telle que P soit réductible dans 𝔹[X].

  8. 8.

    Un polynôme de degré 2 ou 3 sur un corps est irréductible ssi il n’admet aucune
    racine.

  9. 9.

    Si P est un polynôme irréductible sur un corps 𝕂, alors l’idéal (P) est maximal et donc
    𝕂[X]/(P) est un corps.

  10. 10.

    Tout polynôme admet un corps de rupture. Par exemple P admet comme racine dans l’anneau
    quotient 𝕂[X]/(P) l’image de X par la surjection canonique. Un corps de rupture est unique à isomorphisme près et le degré de l’extension est égal à celui du polynôme minimal.

  11. 11.

    Soit 𝕂 un corps. Alors P𝕂[X] est irréductible ssi il n’admet pas de racines dans
    toute extension de degré inférieur à 12deg(P).

  12. 12.

    Soit 𝕂 un corps commutatif de caractéristique p>0. L’application de 𝕂 dans 𝕂 qui à x associe xp est un morphisme de corps (appelé homomorphisme de Fröbenius).
    Si 𝕂 est fini c’est un automorphisme et si 𝕂=/p c’est l’identité (utiliser le théorème Fermat).

  13. 13.

    Le corps de rupture d’un polynôme irréductible est
    nécessairement le corps de décomposition de ce polynôme irréductible.

  14. 14.

    Soit 𝕂 un corps et 𝕃 une extension de degré m premier avec le degré n d’un polynôme
    P. Alors, si P est irréductible sur 𝕂 il l’est encore sur 𝕃. Ce résultat est faux si m et n se sont pas premiers entre eux.
    A titre d’exemple, le polynôme X3+X+1 est irréductible sur et donc sur [i]
    alors que X4+1 est irréductible sur mais réductible sur [i].

  15. 15.

    Le polynôme X2+1 sur est irréductible et son corps de rupture est
    [X]/(X2+1)=[i]=.

  16. 16.

    Le polynôme X32 est irréductible sur . Son corps de rupture est
    Q[X]/(X32)=Q[23]
    et c’est une extension de degré 3 de .

  17. 17.

    Un corps de rupture contient une racine mais pas forcément toutes les autres.
    Par exemple, Q[X]/(X32) ne contient pas les deux racines complexes de
    X32.

  18. 18.

    Il existe toujours un corps de décomposition. De plus, ce corps est unique à isomorphisme
    près, le degré du corps de décomposition est inférieur à n!.

  19. 19.

    Si le polynôme P est scindé dans le corps 𝕂, alors son corps de décomposition est 𝕂.

  20. 20.

    Le corps de décomposition de X32 sur est Q[23,j] qui est
    une extension de degré 6. Cette extension contient Q[23] de degré 2 et Q[j] de degré 3.
    Le degré de cette extension est donc au moins 6 car 2 et 3 sont premiers entre eux.

  21. 21.

    Le corps de décomposition est, en général, strictement plus grand que le corps de rupture comme
    le montre les exemples suivants.

  22. 22.

    Le corps de décomposition de X42 sur est Q[24,j]=[i+42]. Le degré de l’extension n’est pas forcément n! même si le polynôme est irréductible.

  23. 23.

    Le polynôme X4+1 est irréductible sur . Son corps de rupture est qui est aussi son corps de
    décomposition car contient toutes les racines de X4+1 (racines doubles i et i).

  24. 24.

    Le corps de décomposition de X41 sur est [1,i] et il est de degré 2.

  25. 25.

    Soit q=pn. Alors il existe un corps de cardinal q et de caractéristique p, on peut
    prendre par exemple le corps de décomposition du polynôme XqX sur 𝔽p. De plus, 𝕂 est unique
    à isomorphisme près. Ce corps est noté 𝔽q.

  26. 26.

    L’ensemble 𝔽pn est le corps de rupture de tout polynôme irréductible de degré n sur
    /p.

  27. 27.

    L’ensemble 𝔽pn est le corps de rupture de tout polynôme irréductible de degré n sur /p.
    A titre d’exemple, on a:
    𝔽4/2[X]/(1+X+X2)
    𝔽8/2[X]/(1+X+X3)
    𝔽9/3[X]/(1+X2).

0.4 Contenu d’un polynôme et critères d’irréductibilité d’un polynôme

On suppose que 𝔸 est un anneau factoriel. Soit P𝔸[X].
On appelle contenu, noté c(P),
de P un pgcd de ses coefficients. (Ainsi, le contenu est défini à un élément inversible
près). On dit que P est primitif si c(P) est inversible, c’est-à-dire, si les coefficients
de P n’ont aucun facteur commun.
Les polynômes irréductibles sur 𝔸[X] sont soit les constantes irréductibles de 𝔸,
soit les polynômes de degré au moins 1 irréductibles sur K[X] et primitifs. Notamment si l’on se
donne un polynôme P irréductible sur 𝕂[X] alors P/c(P) est irréductible sur 𝔸.

Proposition 0.4.1

Lemme des contenus de Gauss
On a

c(PQ)=c(P)c(Q) pour toutP,Q𝔸[X],c(aP)=ac(P),a𝔸.

Preuve On peut écrire P=c(P)P~ et Q=c(Q)Q~, où P~ et Q~
sont primitifs. Alors

PQ=c(P)c(Q)P~Q~

et donc

c(PQ)=c(P)c(Q)c(P~Q~)

d’après la remarque précédente. On peut donc supposer P et Q primitifs, et démontrer
que PQ l’est aussi. Si par l’absurde p est un élément
irréductible divisant c(PQ), alors, dans l’anneau 𝔸[X]/p𝔸[X], on a PQ=0. Mais, d’après le lemme 5.5.4, on a

𝔸[X]/p𝔸[X](𝔸/p𝔸)[X].

Cet anneau est intègre, car p𝔸 est un idéal premier de 𝔸 puisque 𝔸 est
factoriel. Par conséquent, on a P=0 ou Q=0, et donc p divise tous les
coefficients de P ou de Q, ce qui contredit l’hypothèse que P et Q sont
primitifs. Cette contradiction montre que PQ est primitif.

Proposition 0.4.2

Proposition 5.5.6 Soit P𝔸[X]. Alors P est irréductibles si, et seulement si, P vérifie
l’une des conditions i) ou ii) de la Proposition 0.3.2.

Preuve
On a déjà vu l’implication . Réciproquement, supposons
P irréductible. Si P𝔸, il est clair que c’est un élément
irréductible de 𝔸. On peut donc supposer deg(P)1. On a alors

P=c(P)P~

P~ de même degré que P. En particulier, P~ n’est pas inversible et donc c(P) l’est. Ainsi, P est primitif. Reste à montrer que P est irréductible dans
𝔸[X]. Supposons que P se factorise et posons

P=QRavecQ,R𝔸[X].

Alors on peut écrire

Q=(1/b)Q0avecb𝔸etQ0𝔸[X]

puis

Q0=aQ~aveca=c(Q0)etdeg(Q~)=deg(Q)

Q~ est primitif. De même, on a

R=cdR~aveca=c(Q0)etdeg(R~)=deg(R)

R~𝔸[X] est primitif. Alors,

bdP=acQ~R~.

Prenant les contenus et appliquant le lemme précédent, on vérifie que bc et
ac sont associés. Il en résulte que

P=uQ~R~

u est un élément inversible de 𝔸. Comme P est supposé irréductible dans
𝔸[X], ceci entraîne que Q~ ou R~ est un élément inversible de 𝔸. Donc l’un des éléments Q
ou R de 𝔸 est non nul. Ceci prouve que P est irréductible dans
𝔸[X].

Proposition 0.4.3

Critère D’Eisenstein Soit P=anXn++a0 un polynôme de [X] et soit p un nombre premier tel que :
(1) p ne divise pas an
(2) p2 ne divise pas a0
(3) p divise ai, pour in1.
Alors le polynôme P est irréductible sur (et donc sur pourvu que P soit primitif ).
Si p est un nombre premier, alors Xp1++X+1 est irréductible sur (appliquer
Eisenstein à P(X+1)).

Idéal premier et réduction
Un idéal 𝕀 d’un anneau 𝔸 est premier ssi l’anneau quotient 𝔸/𝕀 est intègre.

I premier I𝔸et(a,b)𝔸2on aa.bIaIoubI.

Soit f : 𝔸𝔹 un homomorphisme d’anneaux et J un idéal premier de 𝔹. Si f1(J) est différent de 𝔸 c’est un idéal premier de 𝔸.
Réduction modulo un idéal premier
Soit 𝕀 un idéal premier et P𝔸[X], P=anXn++a0. On pose P~=cI(an)XnCI(a0).
Si P~ est irréductible dans 𝔸/𝕀 ou dans Fr(𝔸/𝕀), alors P est irréductible dans Fr(𝔸)[X] (et donc dans 𝔸[X] si P est primitif).
Soit p un nombre premier. XpX1 est irréductible sur (car il l’est sur /p).
Les résultats ci-dessus conduisent directement aux propriétés suivantes.
(1) X3+462X2+2433X67691 est irréductible sur (car il l’est sur /2[X])
(2) X36X24X13 est irréductible sur Z (car il l’est sur /3[X])
(3) X3+30X2+6X+1 est irréductible sur Z (car il l’est sur /5[X])
(4) X4+4X3+3X2+7X4 est réductible modulo 2,3,5,7,11, on n’arrive donc pas
à conclure directement. Mais on montre en utilisant la forme factorisée modulo 3 que P ne peut
admettre de racine dans et on montre en utilisant la forme factorisée modulo 2 qu’il ne peut
pas non plus se mettre sous forme de produits de polynômes de degré 2 irréductibles. Il est donc
bien irréductible.
L’identité de Bézout dans un anneau principal. (Notons que dans ce cas « plus grand » diviseur commun s’entend seulement au sens de la relation de préordre définie par la divisibilité dans l’anneau. L’unicité du pgcd n’est conservée qu’à un facteur inversible près de l’anneau. C’est-à-dire, si 𝔸 est un anneau principal, et a et b sont des
éléments de 𝔸, alors il existe un plus grand diviseur commun d de a et b et des éléments x et y dans 𝔸 tels que d=ax+by.
Cette propriété résulte du fait que l’idéal a𝔸+b𝔸 engendré par a et b est principal. En effet, tout générateur d de a𝔸+b𝔸 est un diviseur commun à a et b (puisque a et b appartiennent à a𝔸+b𝔸), et c’est « le » plus grand au sens de la divisibilité, c’est-à-dire que tout diviseur commun c divise d (puisque c divise tout élément de a𝔸+b𝔸).
L’identité de Bachet-Bézout a donné lieu à une classe d’anneaux : un anneau 𝔸 est dit de Bézout
si tout idéal de type fini de 𝔸 est principal (mais l’anneau peut éventuellement contenir des
idéaux qui ne sont pas de type fini. Autrement dit, 𝔸 est de Bézout si
deux éléments quelconques a, b de 𝔸 possèdent toujours un pgcd, et si celui-ci peut toujours
s’écrire sous la forme xa+yb (pour certains éléments x, y de 𝔸).
Un anneau à pgcd est un anneau où deux éléments quelconques admettent un pgcd.
Un anneau intègre à pgcd vérifie le lemme de Gauss et donc le lemme d’Euclide c’est-à-dire
Lemme de Gauss Pour tout couple (a,b) d’éléments non nuls de 𝔸, a et b sont premiers entre
eux si et seulement si, pour tout élément c de 𝔸, si a divise bc alors a divise c.
Lemme d’Euclide Pour tout élément p irréductible de 𝔸 et pour tout couple (a,b) d’éléments de 𝔸, si p divise ab alors p divise a ou p divise b.
Ainsi, dans un anneau intègre à pgcd, un élément est irréductible si, et seulement si, il est premier
Un anneau intégralement clos est un anneau intègre 𝔸 qui est sa propre clôture intégrale dans son
corps des fractions, c’est-à-dire que, pour tout p et tout q non nul appartenant à 𝔸, si pq est racine d’un polynôme unitaire à coefficients dans 𝔸 alors pq appartient à 𝔸.
Tout anneau intègre à pgcd est intégralement clos, ce qui est le cas de tout anneau factoriel et de tout anneau de Bézout, en particulier de tout anneau principal, donc de tout anneau euclidien comme l’anneau .
Un anneau intègre est factoriel si, et seulement si,
il est à la fois un anneau à pgcd et un anneau dans lequel toute suite croissante d’idéaux principaux est stationnaire.
Il existe des anneaux intègres à pgcd qui ne sont pas factoriels (prendre un anneau de Bézout non factoriel comme l’anneau des entiers algébriques).
Il existe des anneaux intègres à pgcd qui ne sont pas de Bézout .
Il existe des anneaux intègres à pgcd qui ne sont ni factoriels ni de Bézout.
Les nombres premiers et leurs opposés constituent les éléments irréductibles de
l’anneau .
Tout irréductible est premier (il divise l’un des deux facteurs dès qu’il divise le produit).
Un élément est premier avec un produit si (et seulement si) il est premier avec chaque facteur.
Les notions d’irréductibilité et de primalité sont confondues dans le cas d’un anneau principal.
Soit 𝔸 un anneau anneau commutatif unitaire.

  1. 1.

    Un idéal I de 𝔸 est dit premier si le quotient de 𝔸 par I est intègre.

  2. 2.

    Un élément a de 𝔸 est dit premier si l’idéal a𝔸 est premier et non nul.

  3. 3.

    Un élément a de 𝔸 est dit irréductible s’il n’est ni nul, ni inversible, ni produit de deux éléments non inversibles.

Dans un anneau bézoutien un élément est premier ssi il est extrémal (c’est-à-dire l’idéal principal qu’il engendre est non nul et maximal).
Tout anneau de valuation est de Bézout.
Un anneau intègre est principal ssi il est à la fois de Bézout (intègre), et si tout élément non nul et non inversible y est produit d’irréductibles.
Tout anneau de Bézout qui est aussi factoriel est un anneau principal.
Il existe des anneaux de Bézout non factoriels), comme l’anneau des fonctions entières ou celui des
entiers algébriques.
Tout anneau principal est factoriel. La réciproque n’est pas vraie



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