0.2 L’anneau des polynômes à une indéterminée
On va donner la définition générale d’un polynôme à coefficients dans un anneau commutatif et unitaire.
Ensuite, on se restreint au cas important où est un corps.
Considérons l’ensemble,
des suites d’éléments de dont les termes sont nuls à partir d’un certain rang. On munit cet ensemble des deux lois suivantes :
et
On identifie à l’ensemble des suites particulières, soit
On note
L’ensemble muni des deux opérations et est appelé ensemble des polynômes à coefficients sur . On le note . L’addition et la multiplication de deux polynômes et sont donc données par:
On introduit la multiplication par un élément
On peut vérifier que le produit est aussi le produit de par le polynôme constant identifié au scalaire .
On remplace souvent les notations et par celles de l’addition et de la multiplication sur .
La famille des suites pour constitue la base canonique de l’ensemble identifié à .
On obtient alors l’écriture unique suivante pour tout polynôme de .
L’ensemble possède la structure d’un -module pour l’addition et la multiplication par un scalaire. Si est un corps, alors est un espace vectoriel.
Autres définitions
(1)–Les lois ainsi définies sont des lois internes et associatives.
(2)–La multiplication est distributive par rapport à l’addition.
(3)–La multiplication admet comme élément neutre le polynôme qui sera identifié à .
(4)–L’addition admet comme élément neutre le polynôme appelé polynôme nul.
(5)–Le plus petit indice tel que est appelé
valuation de et on le note . Par convention, .
On a .
(6)–Si , le plus grand indice tel que est appelé degré de et on le note .
(7)–Si , par convention le degré de est . Pour où est un anneau intègre ou un corps , on a l’équivalence suivante :
(8)–Le coefficient
est appelé coefficient dominant de .
(9)–Le support de est l’ensemble des tels que . Le support d’un polynôme est donc fini.
(10)–Un polynôme est dit unitaire si son coefficient dominant est .
(11)–Deux polynômes et non nuls sont dits associés s’il existe inversible tel que .
Proposition 0.2.1
Diviseurs de 0 et éléments inversibles dans
Soit l’anneau des polynômes à coefficients dans un anneau commutatif et unitaire . On a les propriétés suivantes.
(1)–L’anneau est intègre si, et seulement si, l’anneau est intègre ( n’est pas intègre puisque ).
(2)–Les éléments inversibles de sont les éléments identifiés à ceux de qui sont inversibles (Si est un corps ce sont les éléments de ).
(3)–Si est intègre, on a :
et ce résultat est valable même si l’un des polynômes est nul donc de degré .
(4)–Si n’est pas intègre, on a :
Pour démontrer le point , le résultat étant évident si l’un des polynôme est nul, on suppose donc les deux polynômes non nuls
et on vérifie que si les termes dominants de et sont et alors le terme dominant de est donné par
. On utilise la relation qui définit le coefficient du polynôme produit. On vérifie alors que pour
et que . Si l’anneau est intègre, on a .
Autres définitions et propriétés dans
-
1.
avec égalité notamment si .
-
2.
avec égalité notamment si .
-
3.
La composition de deux polynômes est définie par
et elle admet le polynôme comme élément neutre.
-
4.
mais en général .
-
5.
.
-
6.
La multiplication se traduit par et elle admet comme élément neutre.
Le cas pratique important correspond à la situation où est un corps . L’ensemble est alors un anneau commutatif, unitaire et intègre. Mais, on est amené parfois à considérer des polynômes dont les coefficients n’appartiennent pas à un corps mais à anneau commutatif tel que l’ensemble des entiers relatifs et même à un anneau non commutatif tel que l’ensemble des matrices carrées d’ordre .
Dérivation, intégration, formules de Leibnitz et de Taylor sur
Comme sur l’ensembles des fonctions, on introduit sur l’anneau des polynômes les opérations classique qui sont la composition et la dérivation :
Comme pour les fonctions, la dérivation des polynôme est une opération linéaire et la dérivée
d’ordre d’un produit est donnée par la formule de Leibnitz suivante :
Lorsque est un corps, l’anneau est un anneau intègre et donc tout polynôme non nul est un élément régulier de . On peut donc simplifier par un tel élément, soit
avec implique toujours .
La formule de Taylor pour un polynôme au point est donnée par
Démontrons la formule pour en évaluant les dérivées d’ordre en . On a
D’où la formule pour . On applique ensuite cette formule à . On obtient
Remplaçant par , on obtient le développement de Taylor pour quelconque.
Évaluation de sur ou sur un autre anneau
Étant donnée une -algèbre associative, commutative et unitaire.
On peut identifier le polynôme
à l’application de dans , définie par
dénommée application polynômiale associée à . S’il n’y a pas d’ambiguïté, on remplace la notation par .
Attention Il est important de noter que
le polynôme est
défini par la donnée d’une suite de nombres d’un corps (ou d’un anneau commutatif ) et peut être évalué sur des ensembles assez larges. L’évaluation de au point consiste à remplacer par à condition que les opérations ,
et soient clairement définies sur . L’évaluation ne pose aucun problème si mais si est, par exemple, l’espace des matrices, on est obligé de se restreindre au sous-espaces des matrices carrées et de même dimension.
Par exemple, si est une matrice carrée et un scalaire, l’opération est bien définie et conduit à une matrice. On peut évaluer un polynôme à coefficients dans sur l’ensemble des matrices à éléments dans etc…
L’évaluation conduit à l’application polynômiale qui prend donc ses valeurs sur . Par exemple si est un endomorphisme, alors est aussi un endomorphisme et non plus un polynôme.
Si on évalue sur l’ensemble des endomorhismes, on doit écrire, où
désigne l’endomorphisme identité et l’écriture rappelle que l’on additionne des endomorphismes.
L’écriture peut être vue comme l’évaluation sur de en tant que
polynôme de . L’écriture ne peut pas représenter une évaluation car
elle contient , elle désigne un polynôme de ou de .
Les lois qui définissent l’anneau sont des lois internes. Donc le composé de deux polynômes de
doit être un polynôme à coefficients dans . Par exemple, l’anneau ne peut pas contenir un polynôme du type qui est par contre élément de . L’anneau ne contient pas le polynôme qui est un élément de , etc…Certaines propriétés de sont liées à sa structure d’anneau (règles de calcul, division euclidienne, etc …) et possède d’autres propriétés liées à (factorisation, existence de racines, …). On appelle racine où zéro d’un polynôme sur , un élément
pour lequel . On reviendra sur cette notion importante plus loin.
L’écriture signifie que est le polynôme nul et n’introduit aucune évaluation du
polynôme. L’écriture pour signifie que sur l’ensemble
, la grandeur , qui est bien définie, est égale au « zéro » de . Par exemple,
si est un endomprphisme et ,
signifie que l’endomorphisme vérifie et c’est donc un projecteur. Cette identité qui s’écrit
aussi signifie que l’image de est incluse dans le noyau de et
que l’image de est incluse dans le noyau de .
Par exemple, le réel peut s’interpréter comme
la valeur, pour , du polynôme de .
On appelle polynôme annulateur d’un nombre , d’un endomorphisme , d’une matrice etc…, un polynôme tel que . A titre d’exemple,
Si est un polynôme à coefficients dans et , est un endomorphisme. Si est de dimension finie, il existe toujours un polynôme tel que . Cela signifie que pour tout , on a
. Cela ne veut pas dire que s’annule pour une infinité de valeurs et donc . C’est l’endomorphisme qui est nul en tout point de et qui est donc nul.
Proposition 0.2.2
Propriétés de divisibilité dans
Soient , , et quatre polynômes de qui vérifient :
(1) |
Alors tout diviseur commun à et est un diviseur commun à et et réciproquement. On a donc
Identité de Bezout
Soit un polynôme unitaire non nul de , alors on a :
La loi qui associe au couple son pgcd est associative :
L’associativité permet de ramener les calculs au cas de deux polynômes.
ssi | ||||
et |
Les polynômes sont premiers entre eux dans leur ensemble si et il sont premiers deux à deux si
La seconde propriété implique la première mais la réciproque est fausse.
Soient trois polynômes non tous nuls. Alors on a
Soient trois polynômes non tous nuls et un polynôme unitaire. Alors on a
On dit que le polynôme divise le polynôme ou que est un multiple de s’il existe un polynôme tel que .
Cette relation, appelée relation de divisibilité, se note et elle est réflexive et transitive.
C’est une relation d’ordre sur l’ensemble des polynômes unitaires ou nuls, mais elle n’est pas antisymétrique sur . En effet, si
et , il existe tel que .
Proposition 0.2.3
Généralisation
Si sont des polynômes de , on a les propriétés suivantes.
(1)–Les polynômes sont premiers entre eux dans leur ensemble (pas de diviseurs commun aux polynômes non inversible), :
(2)–Soit un pgcd de .
Il existe
A titre d’exemple, deux polynômes
et sont premiers entre eux si et seulement si . Dans ce cas particulier, l’identité de Bezout s’énonce comme suit.
IL y a un grand lien entre la divisibilité dans et dans . A titre d’exemple, l’identité
permet de donner une condition suffisante pour qu’un nombre soit premier. En effet, elle montre que
si est premier, alors le facteur est forcément égal à et donc on a . De plus si
, alors
et donc n’est pas premier.
Proposition 0.2.4
Division euclidienne dans , anneau commutatif unitaire
(1)–Soit un anneau commutatif, unitaire et , de
coefficient dominant inversible (donc ). Pour tout , il existe
vérifiant la relation suivante (division euclidienne).
(2) |
(2)–Si est un corps, alors est un anneau intègre, unitaire et euclidien.
(3)–Si est un anneau factoriel, alors est aussi un anneau factoriel.
(4)–Si est un corps, alors est principal. Réciproquement n’est principal que si est un corps.
Cette propriété fait de un anneau euclidien.
Sa démonstration repose sur l’existence d’une application de sur qui associe à tout polynôme son degré. On utilise le fait que « toute partie non vide de admet un plus petit élément. La propriété , valable même si l’un des polynôme est nul, facilite souvent certaines démonstrations. On va donner deux démonstrations pour le point (1) de la proposition dans le cas où est un anneau tel que .
Existence du couple
On va donner deux démonstrations différentes valables dans et dans si est un anneau unitaire commutatif à condition
que le coefficient dominant de soit inversible.
Preuve utilisant l’existence du plus petit élément si coefficient inversible (cas d’un corps)
Si divise , on a et il suffit de prendre . Si ne divise pas , considérons l’ensemble
Cet ensemble contient , il ne contient pas . C’est donc un sous ensemble de qui n’est pas vide. Il possède donc un plus petit élément . Soit tel que le polynôme soit de degré . Démontrons que . Raisonnons par l’absurde en supposant . Alors,
si et désignent les coefficients dominants de et respectivement, on obtient
soit, en remplaçant par ,
On a ainsi construit un polynôme tel que
. Ceci contredit la minimalité de et on a donc .
Preuve par récurrence sur le degré si coefficient inversible
Montrons l’existence en raisonnant par récurrence sur . Posons et désignons par et les
coefficients dominants de et .
Si , on prend , , on a bien et donc le couple est bien défini. Pour , supposons l’existence de vraie pour et démontrons qu’elle est alors vraie pour . Comme est inversible, on peut toujours construire le polynôme
dont le degré est strictement inférieur à . Donc, par hypothèse de récurrence, il existe
tels que
D’où
ce qui prouve l’existence du couple pour de degré .
Preuve de l’unicité lorsque est intègre
Pour établir l’unicité, supposons l’existence de deux couples et .
Alors on a . Supposons . Alors et donc
car l’anneau est intègre. On obtient .
Or
On arrive à une contradiction et donc et par suite
.
Proposition 0.2.5
Division suivant les puissances croissantes
Théorème [Division suivant les puissances croissantes] Soit et et deux polynômes
de où est un anneau commutatif et unitaire.
On suppose que le coefficient constant de est inversible.
Alors il existe deux polynômes et vérifiant
et sont appelés respectivement quotient et reste de la division suivant les puissances croissantes de par à l’ordre .
Pour établir ce résultat, on fait une récurrence inverse sur la valuation de . Si cette valuation est supérieure
ou égale à .
Racine ou zéro d’un polynôme de
Considérons l’identité suivante
où , désigne un sous-anneau d’un anneau commutatif euclidien et un élément de . On dit que est racine de dans si le polynôme
est un diviseur de ce qui équivaut à dire que . Si est un corps
commutatif (cas le plus fréquent), alors est un anneau euclidien, donc un anneau principal, donc un anneau factoriel, est le reste de la division euclidienne de par et les trois conditions suivantes sont équivalentes pour .
-
1.
mais ne divise pas .
-
2.
et .
-
3.
pour tout et .
Si est racine de , le sous-ensemble de
est non vide et majoré par . Il admet donc un plus grand élément appelé
multiplicité de la racine .
Soit est de degré et des racines distinctes de
de multiplicités respectives sur . Alors le polynôme
divise et on a toujours
. Ainsi un polynôme non nul de degré possède au plus racines
comptées avec leurs multiplicités. Seul le polynôme nul possède une infinité de racines.
Proposition 0.2.6
Nombre maximal de racines d’un polynôme
(1)–Soit un anneau unitaire, euclidien, commutatif et intègre (Tout anneau fini intègre est un corps) et un sous-anneau de . Tout polynôme de degré (non nul) de admet au maximum racines comptées avec leurs multiplicités dans .
(2)–Un polynôme de , de degré admet exactement racines dans comptées avec leurs multiplicités.
(3)–Si n’est pas euclidien, un polynôme non nul de , de degré inférieur ou égal à , peut admettre plus de racines.
Considérons le groupe linéaire , des matrices de dimensions 2 sur . Cet ensemble est un corps qui contient . Il contient les trois matrices , , . Les polynômes annulateurs minimaux de ces matrices sont respectivement ,
et .
Le polynôme est de degré 2 et il s’annule en trois points distincts du corps qui contient le corps .
Il faut remarque que ce corps n’est pas commutatif et surtout qu’il n’est pas euclidien.
Attention Une racine vérifie . Par exemple si est l’anneau des matrices carrées, est la matrice nulle de .
Démonstration par récurrence en utilisant la factorisation premières les facteurs étant où
les désignent les racines distinctes.
Polynôme scindé sur Un polynôme de est dit scindé sur s’il n’est
pas constant et possède exactement racines comptées avec multiplicité sur . Il s’écrit
donc de manière unique sous la forme:
où est le coefficient dominant de . Cette notion dépend de l’ensemble . Par exemple
un polynôme de n’est pas forcément scindé sur mais tout polynôme de est
scindé sur . On dit que est algébriquement clos.
Pour tout , il existe de degré 1 tel que .
Il n’existe pas de , tel que . Le polynôme ne peut pas être scindé sur mais
peut être scindé sur . Le polynôme est non scindé sur mais admet racines distinctes sur .
Exemples de raisonnements utilisant les racines
(1)–Pour tout polynôme de , on a
(raisonner dans l’anneau quotient .
On peut aussi utiliser les racines. Si , on a aussi
. Si la multiplicité de la racine est pour , on vérifie que sa multiplicité pour est au moins .
(2)–Si le polynôme est divisible par dans alors il est aussi divisible par
. En effet, et donc . Pour tout vérifiant ,
on a et donc . Le polynôme est donc divisible par .
Il est donc divisible par le produit des polynômes puisque les sont tous distincts. Le polynôme
est donc divisible par .
La majorité des propriétés de la division euclidienne dans l’anneau des entiers relatifs se
généralisent au cas des polynômes.
Corps algébriquement clos On dit qu’un corps est algébriquement clos
l’une des trois propositions suivantes est vérifiée.
-
1.
Tout polynôme de est scindé, c’est-à-dire produit de polynômes de degré
-
2.
Tout polynôme non constant a une racine dans .
Multiplication et division de polynômes sous forme matricielle
Considérons la matrice carrée de décalage de dimension , définie par :
On peut vérifier facilement que l’opération fait décaler la diagonale formée par des d’un cran vers le bas et donc on a .
Le produit de deux matrices
définies par leurs colonnes et respectives
est une matrice du type donnée par :
Si l’on remplace chaque colonne par , on obtient une matrice triangulaire inférieure qui a une structure dite de Toeplitz où chaque diagonale est formée par le même éléments apparaissant dans la première colonne :
Rappelons qu’un polynôme de degré peut s’écrire
Un polynôme de est donc défini de manière unique par la matrice colonne
où pour .
Désignons par le produit de deux polynômes et et par
le quotient de et . On peut vérifier que la détermination
de et se fait à l’aide des relations matricielles suivantes :
où
sont des matrices triangulaires inférieures de Toeplitz ayant chacune colonnes, le nombre de lignes
étant égal à l’infini. Par exemple, si les polynômes et sont de degrés et , le produit étant de degré , on aura besoin de prendre une matrice avec lignes.
Exemple 0.2.7
La multiplication des polynômes et , dont le
résultat vaut , s’écrit
matriciellement :
Polynôme à indéterminées
Soit un anneau commutatif unitaire.
On appelle polynôme à indéterminées à coefficients dans l’ensemble des applications presques nulles de dans .
On note l’ensemble des polynômes à indéterminées à coefficients dans .
On identifie à , ainsi que à
.
L’anneau est intègre si et seulement si est intègre.
L’anneau est muni naturellement d’une structure de -module.
L’ensemble des monômes unitaires est une base de .
Si est un corps, est naturellement muni d’une structure de -espace vectoriel.
Relations entre coefficients et racines
Désignons par les racines distinctes ou non d’un polynôme de degré de et introduisons les
relations : , pour et pour :
(3) |
A titre d’exemple, pour , on obtient : , , .
On a alors
On appelle -ième polynôme de Newton le polynôme et on a les propriétés suivantes:
-
1.
Les polynômes symétriques élémentaires et les polynômes de Newton sont symétriques, i.e, ils sont invariants dans toute
permutation de l’ensemble des indicies .
Si est un polynôme, alors est un polynôme symétrique. -
2.
Si est symétrique, alors il existe un polynôme tel que (récurrence sur le nombre d’indéterminées et sur le degré du polynôme.
-
3.
Sommes de Newton et polynômes symétriques élémentaires
-
4.
Sommes de Newton et coefficients du polynôme
Proposition 0.2.8
Raisonnement par récurrence sur le nombre de termes d’une somme
Soit et la suite définie par :
Alors si lorsque , on a .
On démontre le résultat par récurrence sur le nombre de termes . Pour passer d’une somme de termes à une somme de termes, calculons la différence suivante.
0.3 Éléments irréductibles dans des anneaux particuliers
Proposition 0.3.1
Polynômes irréductibles sur un anneau factoriel
Soit un anneau factoriel et l’anneau des polynômes à coefficients dans .
Un polynôme de est dit irréductible sur n’est pas un élément inversible de et si les seuls
diviseurs de sont les inversibles de et les polynômes associés.
Les polynômes irréductibles de sont les polynômes de degré .
Les polynômes irréductibles de sont les polynômes de degré et
les polynômes de degré 2 sans racines réelles.
Preuve Il est évident que les polynômes considérés sont irréductibles, dans les deux cas réel et complexe.
Réciproquement, le théorème de D’Alembert-Gauss donne le résultat dans le cas complexe.
Supposons irréductible dans . Sans perte de généralité, on va supposer unitaire. Si est racine de dans , alors l’est aussi, avec le même ordre de multiplicité. Le polynôme n’a pas de racine réelle , sinon diviserait et ne serait pas irréductible. Le polynôme peut donc s’écrire où est un polynôme réel (on le voit simplement en le développant).
Donc est un produit de polynômes dont le discriminant est strictement négatif. (Il suffit de développer pour le voir). Il n’est irréductible que s’il contient un et un seul tel terme.
D’où le résultat.
Proposition 0.3.2
Soit un anneau intègre, le corps
des fractions de
et vérifiant l’une des deux
conditions suivantes.
(1) est un élément irréductible de .
(2) Les coefficients de n’ont aucun facteur commun, et est
irréductible en tant qu’élément de .
Alors est un élément irréductible de .
Preuve Supposons
(1) Si est un élément irréductible de , alors et sont de degré
0, donc appartiennent à et l’irréductibilité de entraîne que ou est
inversible. Ceci prouve que est irréductible dans .
Supposons (2) vérifiée. L’irréductibilité de comme élément de
entraîne . Donc appartient à , et il est diviseur
commun à tous les coefficients de . Par conséquent, est inversible.
Donc est un élément irréductible de .
Proposition 0.3.3
Théorème de transfert de Gauss A REVOIR
(1) Si l’anneau est factoriel, alors l’est aussi.
(2) Si est factoriel, l’est aussi.
(3) L’application
est un isomorphisme de -algèbres et donc si est un idéal premier de , alors est un idéal
premier de .
Preuve
Le point (2) découle du point (1) par récurrence sur ,
vu l’isomorphisme
Soit un idéal de et l’idéal de engendré par . Alors
est formé des polynômes dont tous les coefficients appartiennent à .
Point (3) Soit la projection . Ceci fait de une
-algèbre. D’après la propriété universelle de , il existe un unique morphisme
de -algèbres
tel que . Explicitement,
pour tout , on a
Il est clair que ce morphisme est surjectif, et son noyau est l’idéal des polynômes
dont tous les coefficients sont dans I, soit . Ceci prouve la
1ère assertion. La 2ème en résulte, d’après le lemme 5.2.1.
Irréductibilité d’un polynôme, corps de rupture, corps de décomposition
-
1.
Soit un corps et irréductible. On appelle corps de rupture de sur
tout extension de corps de monogène, i.e avec .
Le polynôme est irréductible sur et son corps de rupture est
. -
2.
Soit un polynôme (non nécessairement irréductible). On appelle corps de décomposition
de sur toute extension de dans laquelle est scindé (i.e contient toutes les
racines de ) et qui soit minimale pour cette propriété. -
3.
Le monome est irréductible sur .
-
4.
Le monome n’est pas irréductible dans (car 2 est un diviseur non inversible non associé),
mais il l’est dans (car 2 devient alors un élément inversible). Si est un corps, tout polynôme de degré 1 est irréductible . -
5.
Soit une extension d’anneau de . Alors si un polynôme est irréductible sur , il est irréductible sur . La réciproque est fausse.
-
6.
Le polynôme de est irréductible dans , irréductible dans
l’extention des fractions de mais réductible dans . Le polynôme est irréductible dans
mais réductible dans . -
7.
Si un polynôme est irréductible dans , il existe toujours une extension
de telle que soit réductible dans . -
8.
Un polynôme de degré 2 ou 3 sur un corps est irréductible il n’admet aucune
racine. -
9.
Si est un polynôme irréductible sur un corps , alors l’idéal est maximal et donc
est un corps. -
10.
Tout polynôme admet un corps de rupture. Par exemple admet comme racine dans l’anneau
quotient l’image de par la surjection canonique. Un corps de rupture est unique à isomorphisme près et le degré de l’extension est égal à celui du polynôme minimal. -
11.
Soit un corps. Alors est irréductible il n’admet pas de racines dans
toute extension de degré inférieur à . -
12.
Soit un corps commutatif de caractéristique . L’application de dans qui à associe est un morphisme de corps (appelé homomorphisme de Fröbenius).
Si est fini c’est un automorphisme et si c’est l’identité (utiliser le théorème Fermat). -
13.
Le corps de rupture d’un polynôme irréductible est
nécessairement le corps de décomposition de ce polynôme irréductible. -
14.
Soit un corps et une extension de degré premier avec le degré d’un polynôme
. Alors, si est irréductible sur il l’est encore sur . Ce résultat est faux si et se sont pas premiers entre eux.
A titre d’exemple, le polynôme est irréductible sur et donc sur
alors que est irréductible sur mais réductible sur . -
15.
Le polynôme sur est irréductible et son corps de rupture est
. -
16.
Le polynôme est irréductible sur . Son corps de rupture est
et c’est une extension de degré 3 de . -
17.
Un corps de rupture contient une racine mais pas forcément toutes les autres.
Par exemple, ne contient pas les deux racines complexes de
. -
18.
Il existe toujours un corps de décomposition. De plus, ce corps est unique à isomorphisme
près, le degré du corps de décomposition est inférieur à . -
19.
Si le polynôme est scindé dans le corps , alors son corps de décomposition est .
-
20.
Le corps de décomposition de sur est qui est
une extension de degré 6. Cette extension contient de degré 2 et de degré 3.
Le degré de cette extension est donc au moins 6 car 2 et 3 sont premiers entre eux. -
21.
Le corps de décomposition est, en général, strictement plus grand que le corps de rupture comme
le montre les exemples suivants. -
22.
Le corps de décomposition de sur est . Le degré de l’extension n’est pas forcément même si le polynôme est irréductible.
-
23.
Le polynôme est irréductible sur . Son corps de rupture est qui est aussi son corps de
décomposition car contient toutes les racines de (racines doubles et ). -
24.
Le corps de décomposition de sur est et il est de degré 2.
-
25.
Soit . Alors il existe un corps de cardinal et de caractéristique , on peut
prendre par exemple le corps de décomposition du polynôme sur . De plus, est unique
à isomorphisme près. Ce corps est noté . -
26.
L’ensemble est le corps de rupture de tout polynôme irréductible de degré sur
. -
27.
L’ensemble est le corps de rupture de tout polynôme irréductible de degré sur .
A titre d’exemple, on a:
.
0.4 Contenu d’un polynôme et critères d’irréductibilité d’un polynôme
On suppose que est un anneau factoriel. Soit .
On appelle contenu, noté ,
de un pgcd de ses coefficients. (Ainsi, le contenu est défini à un élément inversible
près). On dit que est primitif si est inversible, c’est-à-dire, si les coefficients
de n’ont aucun facteur commun.
Les polynômes irréductibles sur sont soit les constantes irréductibles de ,
soit les polynômes de degré au moins 1 irréductibles sur et primitifs. Notamment si l’on se
donne un polynôme irréductible sur alors est irréductible sur .
Proposition 0.4.1
Lemme des contenus de Gauss
On a
Preuve On peut écrire et , où et
sont primitifs. Alors
et donc
d’après la remarque précédente. On peut donc supposer et primitifs, et démontrer
que l’est aussi. Si par l’absurde est un élément
irréductible divisant , alors, dans l’anneau , on a . Mais, d’après le lemme 5.5.4, on a
Cet anneau est intègre, car est un idéal premier de puisque est
factoriel. Par conséquent, on a ou , et donc divise tous les
coefficients de ou de , ce qui contredit l’hypothèse que et sont
primitifs. Cette contradiction montre que est primitif.
Proposition 0.4.2
Proposition 5.5.6 Soit . Alors est irréductibles si, et seulement si, vérifie
l’une des conditions i) ou ii) de la Proposition 0.3.2.
Preuve
On a déjà vu l’implication . Réciproquement, supposons
irréductible. Si , il est clair que c’est un élément
irréductible de . On peut donc supposer . On a alors
où de même degré que . En particulier, n’est pas inversible et donc l’est. Ainsi, est primitif. Reste à montrer que est irréductible dans
. Supposons que se factorise et posons
Alors on peut écrire
puis
où est primitif. De même, on a
où est primitif. Alors,
Prenant les contenus et appliquant le lemme précédent, on vérifie que et
sont associés. Il en résulte que
où est un élément inversible de . Comme est supposé irréductible dans
, ceci entraîne que ou est un élément inversible de . Donc l’un des éléments
ou de est non nul. Ceci prouve que est irréductible dans
.
Proposition 0.4.3
Critère D’Eisenstein Soit un polynôme de et soit un nombre premier tel que :
(1) ne divise pas
(2) ne divise pas
(3) divise , pour .
Alors le polynôme est irréductible sur (et donc sur pourvu que soit primitif ).
Si est un nombre premier, alors est irréductible sur (appliquer
Eisenstein à ).
Idéal premier et réduction
Un idéal d’un anneau est premier ssi l’anneau quotient est intègre.
Soit : un homomorphisme d’anneaux et un idéal premier de . Si est différent de c’est un idéal premier de .
Réduction modulo un idéal premier
Soit un idéal premier et , . On pose .
Si est irréductible dans ou dans , alors est irréductible dans (et donc dans si est primitif).
Soit un nombre premier. est irréductible sur (car il l’est sur ).
Les résultats ci-dessus conduisent directement aux propriétés suivantes.
(1) est irréductible sur (car il l’est sur )
(2) est irréductible sur Z (car il l’est sur )
(3) est irréductible sur Z (car il l’est sur )
(4) est réductible modulo , on n’arrive donc pas
à conclure directement. Mais on montre en utilisant la forme factorisée modulo 3 que ne peut
admettre de racine dans et on montre en utilisant la forme factorisée modulo 2 qu’il ne peut
pas non plus se mettre sous forme de produits de polynômes de degré 2 irréductibles. Il est donc
bien irréductible.
L’identité de Bézout dans un anneau principal. (Notons que dans ce cas « plus grand » diviseur commun s’entend seulement au sens de la relation de préordre définie par la divisibilité dans l’anneau. L’unicité du pgcd n’est conservée qu’à un facteur inversible près de l’anneau. C’est-à-dire, si est un anneau principal, et et sont des
éléments de , alors il existe un plus grand diviseur commun de et et des éléments et dans tels que .
Cette propriété résulte du fait que l’idéal engendré par et est principal. En effet, tout générateur de est un diviseur commun à et (puisque et appartiennent à ), et c’est « le » plus grand au sens de la divisibilité, c’est-à-dire que tout diviseur commun divise (puisque divise tout élément de ).
L’identité de Bachet-Bézout a donné lieu à une classe d’anneaux : un anneau est dit de Bézout
si tout idéal de type fini de est principal (mais l’anneau peut éventuellement contenir des
idéaux qui ne sont pas de type fini. Autrement dit, est de Bézout si
deux éléments quelconques , de possèdent toujours un pgcd, et si celui-ci peut toujours
s’écrire sous la forme (pour certains éléments , de ).
Un anneau à pgcd est un anneau où deux éléments quelconques admettent un pgcd.
Un anneau intègre à pgcd vérifie le lemme de Gauss et donc le lemme d’Euclide c’est-à-dire
Lemme de Gauss Pour tout couple d’éléments non nuls de , et sont premiers entre
eux si et seulement si, pour tout élément de , si divise alors divise .
Lemme d’Euclide Pour tout élément irréductible de et pour tout couple d’éléments de , si divise alors divise ou divise .
Ainsi, dans un anneau intègre à pgcd, un élément est irréductible si, et seulement si, il est premier
Un anneau intégralement clos est un anneau intègre qui est sa propre clôture intégrale dans son
corps des fractions, c’est-à-dire que, pour tout et tout non nul appartenant à , si est racine d’un polynôme unitaire à coefficients dans alors appartient à .
Tout anneau intègre à pgcd est intégralement clos, ce qui est le cas de tout anneau factoriel et de tout anneau de Bézout, en particulier de tout anneau principal, donc de tout anneau euclidien comme l’anneau .
Un anneau intègre est factoriel si, et seulement si,
il est à la fois un anneau à pgcd et un anneau dans lequel toute suite croissante d’idéaux principaux est stationnaire.
Il existe des anneaux intègres à pgcd qui ne sont pas factoriels (prendre un anneau de Bézout non factoriel comme l’anneau des entiers algébriques).
Il existe des anneaux intègres à pgcd qui ne sont pas de Bézout .
Il existe des anneaux intègres à pgcd qui ne sont ni factoriels ni de Bézout.
Les nombres premiers et leurs opposés constituent les éléments irréductibles de
l’anneau .
Tout irréductible est premier (il divise l’un des deux facteurs dès qu’il divise le produit).
Un élément est premier avec un produit si (et seulement si) il est premier avec chaque facteur.
Les notions d’irréductibilité et de primalité sont confondues dans le cas d’un anneau principal.
Soit un anneau anneau commutatif unitaire.
-
1.
Un idéal de est dit premier si le quotient de par est intègre.
-
2.
Un élément de est dit premier si l’idéal est premier et non nul.
-
3.
Un élément de est dit irréductible s’il n’est ni nul, ni inversible, ni produit de deux éléments non inversibles.
Dans un anneau bézoutien un élément est premier il est extrémal (c’est-à-dire l’idéal principal qu’il engendre est non nul et maximal).
Tout anneau de valuation est de Bézout.
Un anneau intègre est principal il est à la fois de Bézout (intègre), et si tout élément non nul et non inversible y est produit d’irréductibles.
Tout anneau de Bézout qui est aussi factoriel est un anneau principal.
Il existe des anneaux de Bézout non factoriels), comme l’anneau des fonctions entières ou celui des
entiers algébriques.
Tout anneau principal est factoriel. La réciproque n’est pas vraie