0.1.1 Groupe symétrique
L’ensemble des bijections de sur lui-même est un groupe pour la loi de composition . Il est appelé groupe symétrique ou ensemble des permutations et son cardinal est égal à . Chaque permutation est notée sous-forme d’une matrice à deux lignes
Support d’une permutation : supp C’est le sous-ensemble qui n’est pas fixé par , i.e.,
Permutations disjointes
Deux permutations sont disjointes si leurs supports sont disjoints. Deux permutations disjointes commutent
Orbite d’un élément
Soit une permutation donnée et un élément de . L’orbite de selon est le sous-ensemble de défini par
Permutation circulaire ou cycle C’st une permutation telle qu’il existe vérifiant
Cette orbite est donc le support du cycle et le cardinal (-cycle) de cette orbite est la longueur du cycle.
Il existe donc tels que
Un cycle est une permutation qui contient au plus une orbite qui n’est pas réduite à un élément. Le groupe symétrique l contient cycles différents
Transposition C’est une permutation qui échange deux éléments et et laisse inchangés les autres, c’est donc un cycle d’ordre 1. On la note ou .
Proposition 0.1.1
Décomposition d’une permutation
(1)–Toute permutation se décompose en un produit de transpositions qui ne commutent pas et la décomposition n’est pas unique.
(2)–Toute permutation se décompose de manière unique en un produit de cycles de supports disjoints
qui commutent deux à deux.
Preuve
Soit une permutation de fixée. La relation définie par
est une relation d’équivalence sur . Considérons les représentants des classe d’équivalence associées à la permutation et définis par
On associe ainsi à chaque un ensemble unique de cycles:
.
Ces cycles ont des supports disjoints et on vérifie facilement que
Proposition 0.1.2
Signature d’une permutation
Il existe un seul morphisme de groupe vérifiant
Le nombre est appelé signature de et il a pour expression
(1) |
La composition d’une permutation par une transposition change la signature de :
On peut vérifier que le noyau de ce morphisme est un sous-groupe de . Il est dénommé groupe alterné d’ordre n.
Existence du morphisme
Considérons l’ensemble défini par
Alors, l’application
est une bijection et on obtient
Le changement d’indice conduit à
et par suite
Ainsi le nombre
appartient à et la relation (1) définit donc une application de
dans .
Cette application est un morphisme de groupe puisque
Signature d’une transposition
Calculons . On a
Dans les deux derniers cas, les termes se regroupent deux par deux pour donner un produit égal à 1. Le produit de tous les facteurs qui interviennent dans l’expression de est donc égal à . D’où .
Unicité du morphisme
Supposons l’existence de deux morphismes et vérifiant les conditions imposées.
Soit et une décomposition
Alors les relations suivantes montrent que .
0.1.2 Application -linéaire, Forme -linéaire
Soient des -espaces vectoriels. On dit qu’une application
est multilinéaire (-linéaire) si chacune des applications suivantes est linéaire :
Si , est appelée forme -linéaire ou forme multilinéaire. Afin d’attirer l’attention sur l’importance de l’ordre des vecteurs dans l’évaluation de , donnons l’expression de
dans une base où est une permutation. On obtient en détaillant les calculs
(2) | |||||
Dans le cas particulier où , on a
où désigne l’ensemble des applications de sur . Une application -linéaire est donc complètement déterminée par la donné des vecteurs de .
0.1.3 Forme -linéaire alternée et déterminant
Proposition 0.1.3
Forme -linéaire alternée
Si , une forme linéaire est dite alternée si pour toute famille
contenant au moins deux vecteurs égaux.
On a les propriétés suivantes pour toute forme alternée.
(1)–La forme est nulle pour toute famille liée.
(2)–La valeur de ne change pas lorsqu’on ajoute à l’un des vecteurs une combinaison linéaires des autres vecteurs.
(3)–La forme est antisymétrique, i.e., lorsqu’on permute deux vecteurs et elle change de signe
Preuve
(1)–Si la famille est liée, il existe tel que
Donc
car il y a au moins deux termes égaux dans chaque suite
puisque .
(2)–On a
car il y a au moins deux termes égaux dans chaque suite
puisque .
(3)–Le développement de qui vaut 0 donne
D’où
Proposition 0.1.4
Caractérisation d’une forme -linéaire alternée et déterminant
(1)–Soit une forme -linéaire. Alors est alternée si, et seulement si, pour tout et tout
, on a
(3) |
(2)–Une forme -linéaire est définie de manière unique par la donnée de . Son expression explicite dans la base s’écrit :
(4) |
où est la signature de et l’application
est une forme -linéaire alternée qui prend la valeur 1 pour
. Soit
L’application est appelé déterminant dans la base .
(3)–Toute forme -linéaire alternée est proportionnelle à . Soit
(5) |
Preuve de (1) Supposons la propriété (3) pour tout et tout . Considérons un -uplet dans lequel avec . et soit la transition . On a alors
Donc .
Réciproquement, supposons alternée. Alors est antisymétrique et donc la propriété (3) est vérifiée pour toute transposition.
Comme toute permutation est le produit de transpositions et que la signature d’un produit de transpositions est le produit des signatures, la propriété (3) est vérifiée pour tout .
De plus, on a
où est la signature de .
Preuve de (2) Utilisant les expressions des dans la base et développant la forme -linéaire conduit à la somme de termes qui sont des produits
différents du type apparaissant dans (2). Tous les termes où figurent au moins deux indices et égaux sont nuls. La somme comporte donc les seuls termes tels que l’application
est injective et donc bijective. Ainsi, on doit sommer sur et non sur . Enfin, l’utilisation de la relation (3 ) termine la preuve.
puisque et que
est une bijection sur .
Preuve de (3) Conséquence directe des points précédents.
Proposition 0.1.5
Changement de base du déterminant
(1)–Soient , deux bases de . Alors on a
et une famille de
vecteurs de . On a
(2)–La famille est une base de , si, et seulement si,
Si et sont deux bases de , on a
Comme est une forme -linéaire alternée, on peut prendre dans
(4). On obtient
Comme , on obtient
Si le système est libre, il forme une base et en prenant , on obtient
Comme , on a .
Réciproquement, le déterminant d’une famille liée est nul puisque le déterminant est une forme alternée.
Déterminant d’une matrice carrée
Le déterminant d’une matrice carrée est, par définition, le déterminant des vecteurs colonnes de cette matrice dans la base canonique de . On a donc
On peut aussi le définir par le scalaire définissant pour et pour , par le scalaire défini
récursivement par :
où désigne la matrice
d’ordre obtenu en supprimant dans la ligne et la colonne .
Déterminant d’une famille de vecteurs et déterminant d’une matrice
Soit un espace vectoriel de dimension sur un corps , une base de et une famille de vecteurs. Le déterminant de est la valeur de au point .
Soit la matrice dont la colonne est formée par les composantes de dans la base , on a par définition
Le déterminant d’une matrice est forcément une évaluation relative à une base. Si aucune base n’est précisée, il s’agit de la base canonique de . On verra plus loin que cette évaluation est la même lorsqu’on remplace la matrice par une matrice qui lui est semblable.
Proposition 0.1.6
Propriétés du déterminant d’une matrice
(1)–Toute matrice carrée a le même déterminant que sa matrice transposée :
(2)–La matrice est inversible si, et seulement si,
.
(3)–La forme est multilinéaire par rapport aux colonnes de . Elle est aussi multilinéaire par rapport aux lignes de .
(4)–Si et sont des matrices carrées, on a :
Si et sont telles que les matrices et sont carrées, on a :
Démontrons le point (1). Comme est un groupe et que , la relation donne
. On obtient ensuite
Déterminant d’un endomorphisme
Soit un espace vectoriel de dimension sur un corps et un endomorphisme de . Soient et les matrices de dans les bases et . On sait que ces deux matrices sont semblables () et donc
on a . Le scalaire ne dépend pas de la base choisie pour construire la matrice qui représente , on le dénomme déterminant de et on le note simplement
. Le déterminant d’un endomorphisme de est donc indépendant de toute base de .
Orientation d’une base d’un -espace vectoriel
Consirérons la relation définie sur l’ensemble des bases d’un espace vectoriel réel de dimension finie par :
On vérifie que l’on a une relation d’équivalence. Deux bases équivalentes sont dites de même orientation. Il existe donc deux orientations possibles seulement : la classe des bases dites directes () et celle des bases dites indirectes ().
Orienter un espace , c’est choisir une base et décider arbitrairement qu’elle est directe. Alors toutes celles qui sont dans la classe de sont directes et les autres sont indirectes.
Pour justifier qu’il n’y a que deux orientations possibles, on montre que si n’a pas la même orientation que et , alors ces deux dernières ont la même orientation. Il suffit d’utiliser la relation
Si et sont deux bases de , on a
Si , l’image de toute base directe (resp. indirecte) est aussi une base directe (resp. indirecte).
Si , l’image de toute base directe (resp. indirecte) est une base indirecte (resp. directe).